Sur les traces de ceux qui nous ont précédés à Mouzillon
le contexte historique
L'année 1789 est marquée par les cahiers de doléances, la prise de la Bastille à Paris le 14 juillet et la déclaration des droits de l'homme et du citoyen le 26 août.
A Mouzillon, une assemblée se réunit le 5 avril pour formuler ses doléances
--> Cette assemblée élit 4 représentants :
Jean Julien LUNEAU (la Rouaudière),
François LUNEAU (le Brossay),
René BREVET (la Barillière),
Jacques Grégoire MARTINEAU (le bourg).
→ les sujets qui ont été débattus Cette assemblée a débattu
des taxes, impôts et corvées,
du tirage au sort pour la milice,
des propriétés,
des juridictions,
de l'admission aux charges et emplois,
du droit des veuves…
Des réformes sont demandées, un esprit de nouveauté transparaît.
Une deuxième réunion le 27 septembre : les participants sont plus nombreux.
→ la liste des participants est connue
→ le compte-rendu est signé de 13 participants
→ Julien LUNEAU est désigné comme représentant ; il doit se présenter le 30 septembre à l’hôtel de ville de Nantes pour que les privilèges de Bretagne ne soient pas abandonnés.
L'année 1790 est celle de la réorganisation administrative et de la Constitution Civil du Clergé.
A Mouzillon, le curé, Julien BECHU-DESHAIES accepte cette Constitution Civile du Clergé, il aurait prêté serment sans qu'il y ait de trace d'incidents.
l'acte de décès de l'ancien curé en 1794 en témoigne : Le 28 brumaire de l'an dix de la république devant moi Charles Bureau, adjoint de la commune de Mouzillon ont comparu Pierre Julien René Mesnard, agé de trente trois ans, profession de tonnelier, demeurant au bourg de Mouzillon, Pierre Grégoire agé de quarante quatre ans, cultivateur, demeurant à la métairie de la Ferchotière, et Jean Teigné âgé de quarante trois ans, profession de maréchal, demeurant au dit bourg de Mouzillon, les quatre ont déclaré et attesté que Julien Anne Béchu des Haies ex recteur de la commune de Mouzillon agé de soixante dix sept ans fils de feu René Julien Béchu et d'Anne Madeleine Le Mareuil, originaire de Bru [?] département de l'Isle-et-Vilaine est mort naturellement au dit bourg de Mouzillon le vingt huit février mil sept cent quatre vint quatorze et ont les comparant signé.
Registre des décès de Mouzillon 1794 - an II – article 29
Ce Julien Bechu-Deshaies avait le contact avec la population de Mouzillon. Il avait accepté d'être parrain dans deux familles :
--> le 18/03/1765 il est le parrain de Jean-Julien PINEAU né à la Rouaudière, fils de Pierre PINEAU et de Françoise LUNEAU ;
--> le 24/08/1765 il est le parrain de Louise Julienne Anne DENIS, née au bourg, fille de Jean DENIS et de Louise MENAGER.
Les qualités de ses relations humaines lui permettent de rester demeurer à Mouzillon. Il y reste… alors que certains de ses confrères et certains de ses supérieurs hiérarchiques fuient à l’étranger où passent dans la clandestinité.
Ce Julien Bechu-Deshaies a sûrement beaucoup contribué à préparer un avenir aux Mouzillonnais en refusant d’accentuer les clivages entre les Mouzillonnais.
La vente des biens nationaux
Aux archives départementales de Loire-Atlantique, le document référencé 1 Q 977 donne un aperçu de ces ventes dans le district de Clisson.
A Mouzillon
--> sous le N° 61, le 19/03/1790, le dénommé PICHAUD Monnières achète pressoir et vignes des Gondrères, autrefois propriétés du prieuré de la Trinité, pour un montant de 14 200 francs. (le cadastre de 1814-1817 évalue la surface de vigne à plus de 12 hectares)
--> sous le N°112, le 13/04/1790, LUNEAU de Mouzillon achète la métairie de la Petite Mazure, bénéfice de la Regrippière, pour un montant de 20 100 francs
--> sous le N°118, le 13/04/1790, LUNEAU de Mouzillon achète la métairie de la Ducherie Vallet, bénéfice de la Regrippière, pour un montant de 19 800 francs
--> le 24/01/1791, BOUCHAUD achète une bénéfice de la chapellenie de Mouzillon pour un montant de 3 600 Francs
--> le 17/02/1791, PINEAU Pierre et Consorts achètent 14 boisselées de vignes au clos des Rouaudières en Mouzillon pour un montant de 3 150 francs
--> le 01/04/1791 GREGOIRE Louis achète un "Bénéfice de St Jean alias la Barillière" à Mouzillon pour un montant de 9 030 francs
--> le 19/04/1791, GREGOIRE Louis de Mouzillon achète "le pré du pont" pour un montant de 2 600 francs
--> le 15/07/1792, Pierre DAVID et autres de Mouzillon achètent une dépendance du prieuré de la Regrippière situé au Pallet, pour un montant de 6 300 francs.
Tous les mouzillonnais n'était pas anti-révolutionnaires. Le sens et les enjeux de la propriété avait été bien compris par certains qui disposaient des moyens pour acquérir des biens.
L'année 1791 est marquée par la mise en place d'une monarchie constitutionnelle
En 1792 est proclamée le 1ère république. Cette année est aussi celle de l'entrée en guerre contre des pays monarchistes... Dans le même temps une vague d'émigration met en évidence une fracture de la société.
Les Mouzillonnais ne se sont pas montrés républicains au point de répondre à la levé en masse de soldats pour défendre la république face aux empires prussien et autrichien en 1792. Ils sont restés là sur leur territoire, dans leur famille; ils n'ont pas émigrés comme ont pu le faire des nobles, dont les propriétaires du Grand Plessix.
A Mouzillon, les nobles qui avaient encore de l'influence ont émigré.
L'année 1793 commence par l'exécution de Louis XVI le 21 janvier. Pour faire face aux guerres, la conscription est fixée au 8 mars: Le 8 mars 1793 devait avoir lieu la conscription des jeunes qui devaient être enrôlés pour l'armée. Il est probable que des jeunes ont préféré disparaître plutôt que d'aller rejoindre les bataillons.
A Mouzillon, la conscription des jeunes hommes de 18-25 ans divise la population et instaure un climat de violences mortelles.
A partir de cette période, une rupture s’instaure entre Mouzillonnais. La perception que nous pouvons avoir aujourd’hui passe par des documents variés, souvent partisans. Ces documents s’échelonnent sur une cinquantaine d’année : état civil, déclaration de sinistre, demande d’allocation… selon les régimes politiques que la France a connus.
Des hommes plutôt jeunes s’engagent dans l’armée royale de la Vendée.
Une attestation conservée dans les archives municipales sous la rubrique 3H 1 à 9, datée de 1825 est claire : Pierre DENIS, ancien capitaine de la compagnie de la commune de Mouzillon, ayant fait toute la campagne certifie :que Julien SAUVION a fait en brave et intrépide toute la campagne […] particulièrement aux combats de Rocheservière et d’Aizenay […] Il s’en montré en brave et a combattu vaillamment contre Bonaparte, lors de son retour en France en mille huit cent quinze…
Le document est signé de Pierre DENIS, de Jean GREGOIRE, ancien commissaire, de de BRUC de LIVERNIERE, ancien générale de l’armée royale.
Le même Pierre DENIS certifie que Jean RICHARD, demeurant à la Levrauderie de Mouzillon a servi dans sa compagnie pendant toute les guerre de la Vendée, qu’il s’est trouvé aux combats de Saint-Cire, Châtillon et Vieze ; et qu’il a repris les armes contre Bonaparte lors de son retour en mille huit cent quinze.
De même, Augustin DENIS… particulièrement aux combats de Chantonnay, Pont-de-Cé et à Doué et qu’il a repris les armes contre Bonaparte lors de son retour en mille huit cent quinze.
De même, Laurent TEIGNE… qui a passé en Grande-Bretagne.
Une attestation de Pierre Joseph CHESNEAU, Juge de paix à Vallet, précise que Pierre BARON, laboureur à bœufs demeurant à la Frechotière, Jean BARON laboureur demeurant à la Barillière, Julien LEVESQUE, laboureur demeurant à la Barillière… « ont porté les armes comme soldats vendéens dans l’armée de l’Ouest avec le nommé Julien BARON cultivateur demeurant à Beauregard, combattant pour le trône et l’autel [qui] fut blessé à la jambe gauche entre Clisson et Mouzillon près le village de la Coudorière par les républicains au mois de février mille sept cent quatre vint quatorze.»
Une autre attestation de Pierre Joseph CHESNEAU, Juge de paix à Vallet, précise qu’il a reçu Pierre Julien René MENARD, cultivateur, Jean PINEAU cultivateur, Pierre LENOIR aussi cultivateur, les trois demeurant au bourg de Mouzillon. Ils ont déclaré avoir porté les armes dans l’armée de l’Ouest comme soldats vendéens avec le dénommé Jean LENOIR cultivateur demeurant au bourg en combattant contre les républicains sous le commandement de Monsieur le Chevalier de BRUC, fut blessé par une balle à la cuisse droite aux environs de Gesté, Canton de Beaupreau le 24 février 1794 Ce document a été établi par le juge de paix en application de l’article IV d’une ordonnance royale du 3 décembre 1823.
Le 1er mai 1824, un médecin de Clisson certifie que Jean LENOIR, demeurant au bourg de Mouzillon, « porte à la partie inférieur de la cuisse droite deux cicatrices qui nous ont paru avoir été produites par un coup de feu dont la balle aurait traversé les muscles extenseurs et fléchisseurs de la jambe ».
Un document non signé et datant probablement de 1825, à l’époque de la Restauration de Charles X, précise la liste des gradés de cette armée, qui a été transmise pour le préfet dans la lettre du 21 novembre :
Pour capitaine : Pierre DENIS du bourg,
Pour lieutenant : Jean DENIS au bourg (porte-drapeau)
Pour sous-lieutenant : Julien SAUVION de la Tucauderie
Pour sergent Major : François LUNEAU du bourg
Pour sergent : Pierre GREGOIRE de la Barillière, Louis HUREL, Jean BARON de la Barillière, Louis BRAUD de la Barre
Pour caporal-fourrier : Pierre MENARD tailleur au bourg
Pour caporaux : Pierre SAUVION de la Barre, Jean LUNEAU tailleur à la Barillière, François BOIZIA de la Greuzardière, Alexis MENARD de la Barillière, Pierre GUILBAUD du bourg, Jacques CAILLAUD de la Poulfrière, François GREGOIRE du bourg, Louis LEFORT fils, de la Martinière.
Ont été soldats : François ALLEMAND, Julien BABONNEAU, Pierre BARON, Julien BARON, Pierre BONHOMME, Jean CHIRON, Augustin DENIS, Claude DENIS, Hilaire DUGAST, Mathieu GAUTRON, Pierre GOILOT, Jean JAHAN, Jean LENOIR, Pierre LENOIR, Joseph LENOIR, Jean PINEAU, Julien LEVESQUE, Louis MARION, Pierre MARTIN, Pierre MENARD, Jean RICHARD, Laurent TEIGNE.
C’est donc au moins une quarantaine de jeunes hommes qui se sont engagés en 1793-1794 dans l’armée royale vendéenne. Cette démarche a pu paraître vaillante aux yeux des personnes de conviction, il n’en reste pas moins qu’elle était aussi porteuse de violence pour cette communauté humaine.